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vendredi 17 mai 2013

Classification de la twittérature

1. Ecrire un roman via des tweet de 140 caractères, l'écriture du roman se fait via une contrainte. (à l'image de l'oulipo)

2. Un tweet est considéré comme une création littéraire de 140 caractères (à l'image des Haikus)

3. Twitter est un outil pour l'écriture collaborative (à l'image du cadavre exquis).

Le twiller : thriller sur twitter

Twitter pour écrire des pièces de théâtres, haikus, roman, poème

L'oulipo version numérique en 140 caractères

http://blog.tcrouzet.com/2013/04/24/la-twitterature-symptome-dune-epoque-moribonde/ :

  1. Il me semble qu’il existe deux formes de twittérature, la nanofiction et la feuilleton.
  2. La nanofiction peut se pratiquer sur papier, sur un blog, sur Facebook… C’est la littérature par fragments. Elle peut se jouer sans interaction avec les lecteurs, donc dans le vide intersidéral, même être publiée à titre posthume comme Les pensées de Pascal. Et que ce soit sur Twitter ou ailleurs on s’en fiche. La nanofiction n’est pas la twittérature.
  3. J’ai pratiqué le feuilleton en 2008-2010 pour écrire La Quatrième Théorie. Je pense que cette seconde forme est aujourd’hui quasi impraticable. Entre chacun de nos tweets, des dizaines d’autres se glissent. Il est impossible d’enchaîner les blocs textes pour créer des paragraphes, plonger le lecteur dans une ambiance, ou ne serait-ce qu’influer son état mental. D’ailleurs, l’état mental des gens qui passent leur temps sur Twitter est proche de la catatonie. C’est bien pire que rester devant la TV.
  4. On peut encore écrire un feuilleton par tweets, mais sans donner une chance aux lecteurs de s’y retrouver, encore moins d’interagir. Publier de la sorte si personne ne lit, ou ne peut techniquement le faire, n’a pas beaucoup d’intérêt.
  5. Déjà en 2008, j’ai éprouvé le besoin de recoller les tweets pour recréer la continuité, pour allonger les descriptions, les dialogues, les réflexions. La contrainte était présente, mais le blog permettait en quelque sorte de l’outrepasser. C’est d’ailleurs sur le blog ou par mail que les lecteurs ont interagi avec moi, plutôt que sur Twitter. Twitter permet de jouer du tambour, pas de discuter, encore moins de penser.
  6. Dans les circonstances d’un univers Twitter encore faiblement populaire, d’un blog qui récupère les fragments, la contrainte des 140 caractères n’était pas trop pesante. Elle a surtout eu pour effet d’engendrer un style minimaliste, rapide, sans développement complexe. Chaque tweet pouvait alors être considéré comme une invitation à se rendre sur le blog pour lire et interagir avec la fiction en cours.
  7. Pour La Quatrième Théorie, Twitter aura été mon stylo. D’habitude, j’utilise Word. Est-ce qu’on glose sur le traitement de texte avec lequel nous travaillons ? Non, parce que ce n’est pas intéressant, pas plus que de savoir si on écrit avec un crayon papier, un Bic ou un Mont-Blanc.
  8. Nietzsche a noté qu’en passant à la machine à écrire son style s’est transformé, mais ses lecteurs n’ont pas passé leur temps à s’intéresser à ce seul fait.
  9. Aujourd’hui le décorum passionne, c’est un symptôme propre aux époques terminales. Mon ami le réalisateur Benjamin Rassat a écrit dans sa dernière newletter que le XXIe siècle n’avait pas encore démarré mais que nous devions nous placer dans les starting-blocks. Il a raison, nous entrerons dans le nouveau siècle quand nous cesserons d’interroger le comment (c’est très XXe) et nous laisserons emporter par ce que nous avons à proposer.
  10. La twittérature n’est donc qu’un mal nécessaire, en voie de guérison. En parler, c’est réveiller la douleur. Je me tais.


http://blog.tcrouzet.com/2013/02/06/taxinomie-litteraire-a-lage-de-twitter/


Taxinomie littéraire à l’âge de Twitter

Thierry Crouzet - Mercredi 6 février 2013, 11:32 - 234 lectures
 
La sortie de La quatrième théorie approche et, en même temps que je boucle le dossier de présentation du thriller, je croise la route de la twittérature.
On attribue sa naissance tantôt aux Spartiates réputés laconiques, aux Japonais adeptes du haïku, aux Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon et plus sûrement à Hemingway pour une célèbre phrase :
For sale, baby shoes, never worn.
J’ai longtemps cru qu’elle appartenait à un recueil de dix-huit nouvelles en six ou sept mots. Il semblerait qu’il n’en soit rien et qu’Hemingway ne soit même pas l’auteur de cette micronouvelle. Elle lui a été attribué en 1991, trente ans après sa mort. C’est en fait une petite annonce dont on retrouve des variantes dans la presse américaine, dès 1906.

Faire du court avec du court

Le Devoir
Mais il ne fallait pas plus de cette légende littéraire pour lancer une mode narrative, et cela avant-même la naissance de Twitter. En novembre 2006, Wired demande à une quarantaine d’auteurs et d’artistes d’écrire une Very Short Storie. L’idée rebondit etSmith Magazine propose à ses lecteurs d’envoyer des mémoires en six mots. Plusieurs recueils seront publiés et les textes continuent depuis d’affluer.
Des auteurs comme Vincent Bastin ou Jacques Fuentealba sont devenus adeptes du genre ultra-court. Et tout le monde les imite dorénavant sur Twitter sans même en prendre conscience. Le Devoir vient d’ailleurs de publier une anthologie de tweets de commande.
Mais qui est capable de surpasser le pseudo Hemingway ? C’est sans doute dans les petites annonces qu’il faut chercher la forme la plus haute de la micronouvelle, dans les petites annonces d’un autre temps, à l’époque où on les payait au mot. La contrainte était alors réelle, profonde, et non simple jeu littéraire.

Le jeu des perles de verre

J'ai eu l'idée
Les micronouvelles, plutôt qu’entités isolées, s’enchaînent parfois en chapelet et construisent des ensembles cohérents. Perec nous a livré Je me souviens. Je m’en suis inspiré pour écrire J’ai eu l’idée. Vincent Bastin a tissé sa version minimaliste de La Guerre et la Paix. Chaque fragment tient pratiquement dans un tweet et l’ensemble déborde selon une technique connue des musiciens : l’échantillonnage, ou des peintres : le pointillisme.
On crée une œuvre avec des trous. On n’en dessine que l’architecture. Et le lecteur recolle les morceaux et édifie, en lui, une œuvre qui ne vaut que pour lui.
Cette pratique de la série, popularisée autour des années 1950, ne se limite pas à l’assemblage de brèves. On peut agréger des textes plus amples, mais jamais très longs, pour créer un corpus en perpétuelle évolution, et qui souvent ne s’achève que quand l’auteur manque de force et rêve d’autre chose.
C’est un geste fort de refus de la forme classique, achevée, clôturée. De nombreux blogs littéraires ou exploratoires appartiennent à cette veine. Les billets tracent les lignes de l’œuvre avec assez de vide entre eux pour que les lecteurs naviguent, et même interviennent.

Faire du long avec du court

La quatrième théorie
Un autre courant de la twittérature est né au Japon avec les cell phone novels. Il s’agit de composer un texte ample de plusieurs centaines de pages en enchaînant des SMS/tweets.
Contrairement à l’écriture sérielle, on ne remet plus en cause la forme. Contrairement à la micronouvelle, on ne poursuit pas la virtuosité. On cherche plutôt à écrire à la vitesse de la lecture, comme si les lecteurs se penchaient au-dessus de notre épaule. C’est une écriture guère éloignée de celle du blog, mais plus tendue encore, puisque éclatée phrase après phrase. Où à chaque point, un évènement extérieur peut nous dérouter.
On m’a reproché quand j’ai ainsi twitté La quatrième théorie de me contenter d’adopter la forme du roman populaire.
1/ J’aime ce genre et il me semble que la plupart des auteurs dit littéraires, contrairement à Gombrowicz, sont incapables de le pratiquer.
2/ Expérimenter cette écriture du temps réel me paraissait en soi un jeu littéraire, et assez neuf car nous disposons depuis peu des outils pour le mettre en œuvre à grande échelle et dans une durée ininterrompue de plusieurs mois.
J’ai vu mon style se transformer, se resserrer, même ma pensée prendre des détours inhabituels. J’éprouve depuis une grande nostalgie de cette expérience. Et je comprends pourquoi Gombrowicz a déclaré à la fin sa vie au sujet de ses Envoûtés :
Je suis néanmoins porté à croire que cette idée de « mauvais roman » fut l’apogée de toute ma carrière littéraire – jamais, ni avant ni après, je n’ai conçu d’idée plus créatrice.
Je sens encore un potentiel immense dans ces œuvres lâchées par saccade. François Bon vient ainsi de nous distiller son Proust. C’est sans doute la forme reine de notre temps. En phase avec les outils, nos rythmes de vie, de pensée, de lecture… Et il s’en dégage quelque chose d’inédit, d’indiciblement contemporain. Les œuvres fermées, littérairement à la mode, me semblent en comparaison toujours désuètes, comme si elles avaient été écrites au siècle dernier.


De la nanolittérature au mégafeuilleton

Thierry Crouzet - Vendredi 8 mars 2013, 10:33 - 112 lectures
 
Jaime le blog pour la vitesse, le jet, la pensée pure, encore incertaine, les rebonds avec les lecteurs et les autres blogueurs. La twittérature m’a envoyé dans une direction opposée. Je n’ai jamais écrit aussi lentement que quand j’ai travaillé à La Quatrième Théorie.
C’est paradoxal, parce qu’on twitte comme on pense. Souvent sans se relire. Voyant a posteriori les gigantesques fautes d’orthographe. Les mots oubliés. Mais une autre dimension doit être prise en compte : l’audience. Le lecteur est derrière l’écran. Et il n’a pas forcément envie de vous lire à l’instant où vous écrivez, de crouler sous vos messages. On doit le ménager. D’autant plus si on attend de lui une réaction avant de publier le tweet suivant.
Cette double tension de l’interaction et de la politesse m’a contraint à écrire lentement. Ce temps entre les phrases et entre les chapitres, ces réponses jaillissantes des lecteurs, m’ont forcé à trier les idées, selon un processus évolutif. J’imaginais une suite de l’intrigue, une autre apparaissait, puis une autre, je devais choisir la plus féconde, alors que quand j’écris d’habitude je prends ce qui vient au fil de l’eau.
Twitter m’a ralenti avec pour effet de compresser mon style et d’accélérer inversement la narration. C’est à cette seule condition que j’ai réussi à écrire un thriller.
J’avais divisé la twittérature en trois grands domaines, je peux dorénavant proposer une classification plus simple.

Nanolittérature

Depuis toujours des auteurs écrivent par fragments, plus ou moins reliés entre eux. Des poèmes chez Sei Shōnagon, des pensées chez Pascal, des souvenirs chez Perec…
Ils notent ce qui leur passe par la tête. Les Japonais parlent du style zuihitsu, au fil du pinceau. Le fragment n’est pas nécessairement court, comme sur les blogs, mais il peut l’être, et devenir un micropost littéraire sur un réseau social, Twitter imposant une contrainte de taille toute oulipienne pour pimenter l’exercice. Alors pensées, poésies, micronouvelles engendrent une nanolittérature qui se joue dans l’instantanéité.

Mégafeuilleton

Un second courant traverse la twittérature. Je n’en trouve aucun antécédent avant 2003 et le premier phone novel au Japon. Il ne s’agit plus de publier des fragments, mais une à une les phrases d’un vaste récit : nouvelle, roman, gros pavé de presque 600 pages comme mon thriller.
Chaque post peut être considéré comme un des très nombreux épisodes d’un long feuilleton. Entre chacun de ces épisodes, qui, tout en tenant par lui-même, s’insère dans une continuité, l’auteur ouvre une béance où le lecteur s’engouffre s’il le souhaite.
Le mot est lâché : interaction. Une interaction qui n’est possible que grâce à la technologie, surtout quand on considère que l’expérience peut se prolonger durant des mois. Une interaction à l’échelle de la phrase. Une sorte d’ouverture extrême du processus créatif que j’ai souvent comparé à ce qui se pratique dans le jeu de rôle.
En twittérature, nous avons donc d’un côté des nanolittérateurs, de l’autre des feuilletonistes. Bien sûr, l’interaction comme la contrainte interviennent dans les deux cas, mais avec un penchant plus ou moins marqué pour l’une ou l’autre. Et avec la possibilité pour chacun de nous de changer de casquette, et même de mêler les genres.

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