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lundi 20 mai 2013

Twittérature et édition


http://www.librairiemonet.com/blogue/2012/le-monde-du-livre/la-litterature-et-twitter/

La littérature et Twitter


Depuis quelques mois, on nous parle régulièrement de twittérature, c’est-à-dire de la littérature produite et diffusée sur Twitter, ce site de microblogage où les usagers ne s’expriment qu’en gazouillis, des messages de 140 caractères et moins. Il existe même un Institut de Twittérature Comparée (ITC), dont le site affiche fièrement les  lettres patentes (!) de l’organisme. Les « défenseurs » de la twittérature – car nombreux sont ses détracteurs – voient en Twitter une contrainte stimulante pour la création : la limitation des caractères rappelle les formes fixes de poésie comme le haïku ou le sonnet. On pense aussi à l’OuLiPo, ce fameux groupe d’écrivains (Perec, Calvino, Queneau, etc.) ayant expérimenté la contrainte dans la création littéraire. Les twittérateurs se donnent donc comme défi de produire de la littérature de qualité sur Twitter tout en gardant un certain esprit ludique, ce qui ne signifie pas que toute twittérature soit humoristique pour autant.

Certains tenants de la twittérature misent déjà sur celle-ci à des fins pédagogiques au secondaire. Puisque les élèves clavardent et écrivent déjà sur des sites de microblogage comme Twitter et Facebook, aussi bien les joindre là où ils sont déjà et stimuler leur création par un médium qu’ils maîtrisent souvent davantage que leurs professeurs. Les opposants à ces méthodes d’enseignement y voient plutôt une forme de nivellement vers le bas : s’éduquer n’est pas que plaisir et exige de l’effort. Fabien Deglise, du Devoir, s’inquiétait d’ailleurs, dans sa chronique du 3 décembre dernier, d’un étiolement du vocabulaire que provoquerait l’usage de Twitter. Selon lui, limite de 140 caractères oblige, on aurait tendance à utiliser davantage de mots courts et génériques plutôt que des mots plus longs et plus précis. Pour reprendre un exemple de Deglise, exprimer, formuler, murmurer, dévoiler et affirmer écoperait au détriment de dire. Qu’importe, les twittérateurs ont leur lobbyiste et comptent bien obtenir du financement pour un projet-pilote visant à développer l’enseignement de latwittérature.
Mais en librairie, la twittérature est-elle présente ? Pour l’instant, presque pas. Peu nombreux, les livres s’affichant comme de la twittérature font sourciller, car les textes laissent malheureusement un peu à désirer, du moins jusqu’à maintenant. Force est de constater que les éditeurs n’ont toujours pas succombé et que les lecteurs connaissent encore peu le phénomène. Les twittérateurs forment pour l’instant une communauté assez restreinte, mais rien ne dit qu’elle ne comptera pas de nouveaux adeptes. Il suffirait que leur enthousiasme séduise quelques auteurs connus et qu’un succès en librairie accroisse leur visibilité pour que le nouveau genre prenne son envol. Après tout, latwittérature n’en est qu’à ses premiers balbutiements : on attribue la paternité du mouvement au Japonais Keitai Shosetsu, premier auteur à avoir écrit un roman entièrement sur un cellulaire, en 2006 ou 2007. Pour l’anecdote, on parlait alors de celluroman et de cellu-lit. Un genre que ne devrait pas trop priser la gent féminine !
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Twitter et les médias sociaux créeront peut-être une autre littérature, mais on peut d’ores et déjà croire que celle-ci influence et influencera la littérature « traditionnelle ». Je pense ici au plus récent recueil de Yolande Villemaire,Micropoésie. On savait l’auteure de La vie en prose polyglotte et grande voyageuse, mais on ne connaissait pas la branchée, grande utilisatrice des réseaux sociaux. On y apprend entre autres que les iPod, YouTube et autres Twitter n’ont aucun secret pour Villemaire, qui semble les utiliser quotidiennement, et avec enthousiasme. Une « abolition de l’espace » frappe dans ce recueil : l’auteure se trouve partout à la fois par l’utilisation des médias sociaux, vivant notamment le Printemps arabe en direct. Twitter et consorts auront encore fait reculer la contrainte de l’espace en permettant à des individus de partout dans le monde de se parler en direct. Un usager de ces technologies peut « vivre le monde » et peut-être développer une véritable « conscience universelle » par ces « stimuli technologiques » nous faisant ressentir  en tout temps les moindres parties de ce « corps mondial ».
Le recueil de Villemaire fait bien ressentir cette simultanéité des soubresauts du monde dans le quotidien, et en ce sens annonce possiblement des changements à venir dans la littérature. Si les nouvelles technologies influencent le quotidien d’un pourcentage grandissant de la population, celles-ci finiront tôt ou tard par se répercuter davantage dans la littérature. Les possibilités de mutations du récit sont multiples : un narrateur se nourrissant des médias sociaux, la communication des personnages via les nouveaux médias prenant plus d’importance, de nouvelles façons d’imaginer le futur dans la science-fiction, etc. Bref, que la twittérature fasse long feu ou pas, les médias sociaux s’inscrivent déjà dans la littérature et continueront de l’influencer à mesure que leur importance dans nos vie croîtra. Peut-être en avez-vous des exemples ? Ou peut-être lisez-vous de la twittérature ? Avez-vous des twittérateurs à recommander ? Le Délivré veut vous lire !


LITTÉRATURE ET INFORMATIQUE * Alain VUILLEMIN
LA REVUE DE L'EPI N° 97 
Page 49

Le mode « hypertexte » 21 ou encore « hypermédia » 22 s'applique au sens strict à un mode d'édition des textes littéraires où ce qu'on entend par un texte se dissocie en des fragments ou en des blocs d'information associés entre eux par des liens. Un geste, un clic sur un bouton, suffit pour passer d'un fragment à un autre. Dès 1992, une maison d'édition, la société llias, avait créé une collection d'« hyperlivres » intitulée « Les Classiques de la littérature » qui comptait en 1998 près d'une centaine de titres disponibles. Ces « hyperlivres » sont des textes littéraires classiques traités sous la forme d'hypertextes, associés quelquefois à des commen- taires critiques ou à des articles savants D'autres maisons, comme les éditions Magnard avec Textes et Contextes ou Nathan avec CD- Littérature, ont préféré s'orienter en 1992 vers la production sur cédé- roms d'anthologies électroniques sur la littérature française. En 1994, la société Bordas a publié selon le même principe un Dictionnaire des œuvres littéraires. D'autres éditeurs ont aussi commencé à publier des cédéroms multimédias ou hypermédias sur des œuvres complètes ou quasi complètes de grands écrivains comme les disques de la société Acamédia - Alexandre Dumas : un aventurier de génie en 1996, François- René de Chateaubriand : les itinéraires du romantisme en 1997 et, en 1999, Honoré de Balzac : explorer la comédie humaine. La société llias a aussi réalisé deux cédéroms multimédias sur les Fables de La Fontaine et sur L'intégrale du théâtre de Molière. On citera également un autre titre : Les Électro-chroniques de François Rabelais, dû à Marie-Luce Demonet et à Étienne Brunet et à l'université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II). Il existe encore d'autres réalisations produites par la société Arbores- cence, en particulier sur Hugo, Flaubert, La Fontaine ou Descartes. On mentionnera enfin, pour mémoire, le cédérom édité par Adapt-Snes : Littérature française : les 150 œuvres les plus étudiées dans le secondaire, en texte intégral, qui présente la particularité de simuler sur un cédérom, donc « hors ligne », les modes d'exploration dits « en ligne » sur Internet.
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Avec l'avènement des divers modes d'édition électronique la littéra- ture a commencé à se dissocier ces livres. Le support imprimé n'est plus l'unique vecteur de diffusion des textes. En 1998, par exemple, on ne dénombrait pas moins de huit éditions électroniques différentes en ligne ou hors ligne des Fables de La Fontaine. Chacune de ces éditions était en quelque sorte enkystée à l'intérieur de son propre système de lecture assistée par ordinateur. Il en existait une première version en mode « image » à la Bibliothèque nationale de France et une seconde en mode « texte » à l'intérieur de la banque Frantext, deux autres sur Internet : Toutes les Fables de Jean de La Fontaine et À la découverte de Jean de La Fontaine, une édition en « hyperlivre » et sur disquette micro-informa- tique aux éditions llias dans la collection « Les Classiques de la littéra- ture », et quatre éditions multimédias sur des cédéroms : Jean de La Fontaine: Fables (une reprise de l'édition précédente sur disquette accompagnée d'une série d'illustrations et d'enregistrements sonores) ; Les Fables de Jean de La Fontaine, miroir de la nature humaine par la société Warner Interactive Entertainment ; La Fontaine pour mémoire par les éditions Les Temps qui courent et le musée Jean de La Fontaine de Château-Thierry ; et Les Plus Belles Fables de La Fontaine chez Platinum. Il s'y ajoute de surcroît la possibilité pour tout un chacun de réaliser sa propre édition de ces fables à partir de n'importe quelle édition imprimée à l'aide d'un scanner et d'un logiciel de reconnaissance optique. Quelle édition serait la plus légitime? Comment s'y fier? L'édition électronique ne s'est pas encore affirmée qu'elle a déjà éclaté. L'une des difficultés de l'avenir sera de maîtriser ce phénomène. Quoi qu'il en soit, de la recherche bibliographique à la constitution d'une docu- mentation, de l'exploitation d'une édition électronique à la confrontation des modes de lecture assistée par ordinateur, les études de lettres ne peuvent plus méconnaître les apports des technologies modernes et de l'informatique.
  

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