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lundi 20 mai 2013

Ecriture collaborative et mythe de l'écrivain solitaire

(DIFFERENTES SOURCES DONT WIKIPEDIA)




Ecriture collaborative et mythe de l’écrivain solitaire
Périmé, le mythe de l’écrivain solitaire : à la question « peut-on écrire une œuvre à plusieurs mains ? », les internautes répondent oui. Depuis le phénomène « A million penguins » (voir aussi le blog associé), le roman collaboratif lancé par l’éditeur britannique Penguin books en février 2007, l’idée d’une initiative d’une telle ampleur à la française fait peu à peu son chemin sur la toile. La plate-forme Wikiroman entend bien suivre les traces de la désormais célèbre aventure d’outre-Manche… malgré des débuts laborieux. L’idée : n’importe quel internaute peut proposer un début de roman, élu par les suffrages de l’ensemble des co-auteurs. L’histoire est ensuite complétée par l’imagination et la prose d’autres écrivains en herbe, qui doivent au préalable soumettre leur texte à un vote, et ainsi de suite.

Si l’initiative est louable, elle n’en est pour l’instant qu’à ses prémices : en près d’un mois, seuls quatre débuts de récit ont été proposés. Et pourtant il en faudra des cerveaux et des mains pour égaler l’aventure « A million penguins » : 11 000 contributions de quelque 1500 auteurs, qui auront fait de ce polar de 1030 pages« non le roman le plus lu, mais probablement celui le plus écrit de l’histoire », comme l’a affirmé Jeremy Ettinghausen, directeur de la branche numérique de Penguin books. A l’origine, un simple projet expérimental lancé sur la toile par la maison d’édition et l’atelier d’écriture de l’université De Montfort (Leicester, Grande-Bretagne), pour étudier l’aptitude d’un groupe de personnes hétérogène à s’exprimer comme une seule « voie fictionnelle crédible »

La fin de l’écriture solitaire ?
Avec le wiki-roman, il n’y a donc plus aucune distinction entre les auteurs et les lecteurs, ce qui révolutionne radicalement le monde de l’écriture tel qu’il a été perçu pendant des siècles : chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, prendre part à l’aventure à n’importe quel moment. Le texte peut donc évoluer de manière assez chaotique et surprenante car nul ne sait à l’avance jusqu’où l’imagination d’un autre co-auteur va mener le récit.


Alors, est-ce la fin de l’écriture solitaire, et faudra-t-il désormais nécessairement rassembler les imaginations pour créer une œuvre digne de ce nom ? Surtout, n’importe quel internaute pourra-t-il maintenant prétendre au titre si convoité d’écrivain ? Sûrement pas, selon Pierre Assouline, auteur du blog 
La république des livres :
« Peut-être faut-il le rappeler : la littérature est l’épreuve de la solitude. Quand on écrit, on est toujours seul. Un roman, je parle de ces romans que l’on met toute une vie à ruminer et quelques mois à suer, n’est pas un jeu en ligne. Demandez à Simenon, Kafka, Faulkner et à leur épigones. Ils écrivaient par rapport à un absolu. Réduire ça à une question d’ego qu’il s’agirait de déjouer par un gadget e-communautaire, c’est se condamner à ne rien comprendre à l’enjeu. »

Même pour Jeremy Ettinghausen, de Penguin books, l’expérience du wiki-roman n’est pas un franc succès (message adressé aux internautes le 7 mars 2007 : « Un million de mercis ») :
« Alors que peut-on tirer de cette expérience : un roman peut-il vraiment être écrit collectivement ? Je pense que la réponse doit être un "peut-être" nuancé. Les dernières modifications, les pages de discussion et le forum me donnent de l’espoir : il est clair que certains d’entre vous ont vraiment bien travaillé ensemble, ont discuté des contributions des uns et des autres, et ont même prévu de collaborer dans le futur, ce qui est vraiment encourageant. Mais ouvrir cette expérience au "monde entier" a clairement causé des problèmes : nous avons eu des vandales, des pornographes, des spammers et toutes sortes de gens qui avaient des conceptions tellement différentes de ce qu’est un bon roman qu’il était toujours difficile de parvenir à un véritable sens de la cohésion. »

Au milieu du tourbillon des nouvelles technologies en réseaux et des possibilités qu'offrent les nouveaux outils communautaires en ligne ( communauté d'apprentissage ), forum, chat, espace e-learning. Le rapport à l'écriture individuelle et collective est profondément impacté. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point. Pourtant au sein de ce courant très enthousiasmant, des difficultés importantes et des échecs plus ou moins retentissants posent la question de l'écriture collective. L'illusion qui apparaît dans certains articles ou ouvrages semble être croire que la connaissance sur internet se génère toute seule, sans effort de structuration. L'illusion que cette structuration se fait d'elle- même ou peut - être simplement que ce travail peut-être dévolu aux programmes ou aux interfaces logicielle génère beaucoup d'incompréhension de la part des participants. Je ne partage pas du tout cette impression, ma conviction et mon expérience m'ont convaincu de la nécessité d'apprendre à structurer à co-élaborer le savoir en utilisant les instruments des nouvelles technologies. Collaboration, Co-élaborer nécessite le travail ( En latin laboro : travailler, se fatiguer, s'efforcer de, être en peine.) En plus de la dimension de "labor", de peine, de difficulté. Il existe une dimension temporelle, qu'on ne peut négliger. Co-élaborer un savoir sur internet ou intranet nécessite du temps, beaucoup de temps. Le but de cet article est donc de chercher à mettre en évidence ce que nous savons, aujourd'hui de l'écriture collaborative dans les organisations. En effet, le formateur d'adulte pourra trouver dans cette compétence, un des fondements de l'émergence des savoirs collaboratifs en entreprise. Cet article est la suite d'une série de trois articles qui consistaient à mettre en évidence les avantages et les inconvénients des outils de partage et d'échange en ligne (Facteurs de réussite d'un forum, Analyse économique des dispositifs en ligne, Écriture collaborative)dans les formations pour adulte. La thématique centrale de ce travail s'est concentrée sur l'utilisation des forums. Aujourd'hui après une année de réflexion, je peux dire que ce travail se termine par un intérêt marqué pour la mobilisation de l'outil wiki comme outil de mobilisation et d'apprentissage d'une écriture collaborative.

Définition et enjeux

L'écriture dans le cadre du modèle théorique Vygotskien est considérée comme un instrument psychologique de développement de l'individu. Ce développement exige une transformation de l'utilisation du langage qui passe d'une communication située et dirigée vers un interlocuteur présent, vers un travail de rationalisation qui a pour adressage une ou des personnes qui ne se trouve pas dans l'environnement immédiat de l'auteur du message. Vygotski parle d'algèbre du langage... (1985, p.260), il voit dans le langage l'instrument qui permet à l'enfant d'accéder au plan abstrait le plus élevé du langage, réorganisant même le système psychique du langage oral. Pour Vygotski le langage écrit est par conséquent "un discours monologue" avec un interlocuteur imaginaire ou seulement figuré. Vygotski s'est aussi intéressé aux étapes du processus d'écriture individuel qui passe par la rédaction de brouillon. Ces brouillons permettent progressivement la construction d'un écrit définitif. L'écriture est donc clairement pour Vygotski un outil qui permet le développement de l'intelligence de l'individu par un processus de réorganisation de ses compétences. C'est Schneuwly ( 2008) qui souligne l'importance de l'écriture en tant qu'instrument de développement de l'intelligence faisant appel à deux types ensembles: Les outils techniques et les outils semiotiques. Les outils sémiotiques ayant pour but, non pas de changer l'environnement, mais pour objet de d'agir sur autrui et sur soi.
Balpe, J-P. et Christin, A-M. définissent l'apparition de cette nouvelle forme d'écriture collective dans leur article sur universalis 2010 en ces termes:
" Si l'informatique bouleverse la pratique quotidienne et commune de l'écriture, son action est plus profonde encore en ce qui concerne l'écriture littéraire. Certains écrivains n'ont pas tardé à se rendre compte des possibilités nouvelles que cet outil permettait, des effets qu'ils pouvaient en obtenir dans leur domaine. Beaucoup d'entre eux se sont bien entendu servis des particularités de l'hypertexte pour concevoir des récits non linéaires. Sont ainsi apparus des textes interactifs, dans lesquels un lecteur agit sur ses parcours de lecture en induisant, par ses réponses aux propositions de l'ordinateur, des variations textuelles diverses ou en modifiant le déroulement des textes qu'il lit, parfois même leur contenu. Dans un texte interactif, il est tout à fait concevable qu'un lecteur ne rencontre jamais deux fois les mêmes séquences de textes. Ceux-ci deviennent les produits d'une lecture réellement active induite par les comportements du lecteur. Un texte interactif ne prend sens qu'au travers de la lecture. Plus que n'importe où ailleurs, la signification passe ici par l'élaboration du sens au travers de réseaux d'indices. Le texte est nécessairement à faire, porteur de potentialités latentes que la participation du lecteur accepte – ou non – de révéler.La délocalisation du signal, elle, ouvre sur les « réseaux d'écriture » – écriture collective d'écrivains sur les mêmes textes qui n'appartiennent plus à un seul d'entre eux, mais à l'ensemble. Plusieurs écrivains ont aussi réalisé des œuvres exploitant la mobilité comme composante majeure de la lecture, avec toutes ses conséquences : irruption de la temporalité comme modalité de transformation du texte, partie intégrante de la constitution d'un sens. Le lecteur est confronté à une écriture en modification perpétuelle qui, sans être dénaturée, ne peut être imprimée au sens classique du terme. La mobilité du signal permet la typographie dynamique." (2010)
Dans le développement des outils de co-élaboration des savoirs au sein des organisations et des entreprises. Une nouvelle modalité de travail est apparue progressivement. C'est la co-élaboration écrite de projet au sein d'unité, d'un secteur ou d'une organisation. Cette fonction de co-élaboration des savoirs collectifs nécessite l'apprentissage de nouvelles compétences et l'usage de nouveaux instruments. Le wiki est la forme de dispositif qui fait le plus appel à cette dimension de l'écriture collective. Cette pratique de co-élaboration des savoirs par l'écriture collective est un des enjeux majeurs de l'apprentissage de ces nouvelles formes de travail en commun. Cette co-élaboration de sens commun passe par la construction progressive de connaissance sous forme écrite et leur diffusion à un groupe plus ou moins élargi de lecteur.
Cette démarche d'écriture co-élaborative ou collaborative nécessite de prendre en compte différentes dimensions de la rédaction publique. Tel que le contexte de réalisation, le destinataire de l'écrit, ainsi que l'influence souvent transparente du concepteur du logiciel mobilisé. Une dimension difficile à cerner et pourtant cruciale est l'influence des cotextes, des textes qui ont précédé ou qui servent d'exemple dans le groupe ou l'organisation oú a lieu cette rédaction. Une citation de J-P Bronkhart ( 2004) permettra au lecteur d'être attentif à la dimension architextuel de la rédaction, l'article ne pourra pas aller plus loin dans l'exposition de ce concept et j'invite le lecteur donc à ce référent à cet article si il cherche à approfondir cette thématique. " Un deuxième résultat a consisté en la conceptualisation des conditions de mise en oeuvre des textes par un ou plusieurs actants. Notre approche pose d'abord la préexistence de genres de textes élaborés par les générations précédentes, et organisés en un répertoire de modèles que nous qualifions d'architexte ( en italique dans le texte) d'une communauté langagière. Ces modèles de genres ont certes des caractéristiques sémiotiques plus ou moins clairement identifiables, mais ils sont aussi porteurs d'indexations sociales: dans la mesure oú chaque genre a nécessairement fait l'objet d'évaluations sociales, il se trouve réputé mobilisable, dans telle ou telle situation d'interaction ou encore affecté d'une certaine valeur esthétiques." (2004, p.82) Exposer son écrit, sa réflexion est un exercice délicat et générateur de tension et stress pour le rédacteur néophyte qui n'est pas habitué à exposer son écrit au regard d'autrui. Ainsi les personnes qui doivent intervenir dans l'interligne d'une écriture individuelle et mettre leurs marques ou leurs traçes dans les empreintes laissées par d'autres écrivains sont confrontés à un exercice difficile qui demande à être apprivoisé. Le gain d'une telle démarche d'écriture au sein d'un collectif en terme de sécurité individuelle, plus particulièrement sur le plan psychologique est très important. Dans un environnement en perpétuel changement, la possibilité d'écrire en commun permet de poser des structures et des balises utiles à l'action collective. Dépasser le prescrit, tout en générant un cadre sécurisant pour l'activité dans le réel trouve dans les démarches d'écriture co-élaborative un instrument intéressant et qu'il est possible de mobiliser à moindres frais, quand la phase d'apprentissage est dépassée. Cet article conclut une série de trois articles ... les premiers ont abordé la question des forums et du coût des formations en ligne. Il termine une démarche de formation annuelle autour des recherches en technologie de l'éducation et vient conclure aussi une démarche de mémoire dont la thématique était l'émergence du savoir collaboratif en entreprise et dans les organisations en général.
La fin de l’auteur unique, une relation nouvelle : Comme l’expression l’indique, le roman « collectif » se façonne à plusieurs. Il devient le roman de tous, de tous ceux qui y ont participé, et n’est le roman de personne, si ce n’est de la plateforme qui l’a hébergé. On dit « c’est le roman du site Penguin » ou « de Wikira ». La participation collective signe la fin de la reconnaissance de l’auteur en tant qu’être unique. De plus l’auteur est fortement incité à publier sous un pseudo, ce qui pose des problèmes légaux en tant que reconnaissance de la paternité d’un texte, moralement et finanièrement.
la fin de l’écriture solitaire : avec le wikiromans, les écrits de l’un peuvent être retouchés par l’autre, ou des idées peuvent être suggérées par les commentaires des lecteurs, comme nous le soulignionsà propos du site scribeos, qui permet à des écrivains de publier gratuitement leurs textes en ligne et aux lecteurs de donner leur avis et de noter les oeuvres, comme un concours entre une collectivité d’écrivains/lecteurs. L’écriture du roman est morcelée, puisque chacun rajoute sa pierre à l’édifice. Peut-on parler « d’écrivain » sur un site de wikiroman, puisque sa création peut être commentée, redirigée, remodelée, et être le fruit de plusieurs contributions ? Dans un article célèbre à ce sujet, l’écrivain-critique-blogueur Pierre Assouline se révolte contre le terme « écrivains » utilisé pour les wikiromans :
« Peut-être faut-il le rappeler : la littérature est l’épreuve de la solitude. Quand on écrit, on est toujours seul. Un roman, je parle de ces romans que l’on met toute une vie à ruminer et quelques mois à suer, n’est pas un jeu en ligne. Demandez à Simenon, Kafka, Faulkner et à leur épigones. Ils écrivaient par rapport à un absolu. Réduire ça à une question d’ego qu’il s’agirait de déjouer par un gadget e-communautaire, c’est se condamner à ne rien comprendre à l’enjeu. »





Et si le making-of de l'œuvre et l'œuvre elle-même ne faisaient plus qu'un ?

Le livre avant d'être édité, est un hypertexte en puissance comme le décrit Marin Dacos dans les premières lignes de son recueil de textes Read/Write Book : “Les généticiens, ces spécialistes de la genèse des oeuvres, qui travaillent par exemple sur les brouillons de Madame Bovary, savent qu’il y a une vie avant le livre. Tout un monde d’essais, de mots, de phrases, d’empilements, de ratures, de remords, d’errements, de découpages et de collages, d’associations et de désassociations, de traits, de flèches et de cercles entourant des blocs qui doivent glisser ici ou s’en aller là, glisser au-dessous ou au-dessus, tout une vie de paragraphes qui enflent, de phrases qui maigrissent, de mots qui s’éclipsent, d’expressions qui l’emportent.”[5]
À l'image des films sur DVD, les romans sont quelques fois édités avec les commentaires et notes de l'auteur pour ajouter de la valeur à leur récit. Qu'il s'agisse de cartes, de manuscrits et brouillons, ces morceaux de réflexion sont autant de matière supplémentaire disponible pour le lecteur.
Plutôt que d'élaguer le récit de tout son superflu et de toute la matière réflexive, l'auteur pourrait mettre à disposition toute sa réflexion et en faire émerger son œuvre tout en laissant l'accès à ses sources. C'est déjà ce qui se passe avec le paratexte et les notes de bas de page. Mais ces éléments se disputent toujours la place de la page dans le livre imprimé rendant la lecture difficile. Avec le médium numérique, la question de la page n'est plus d'actualité et l'auteur peut offrir tout le paratexte qu'il souhaite sans pour autant polluer la trame principale de son œuvre. Et si, le produit final de l'écrivain n'était pas le livre, mais l'atelier : l'environnement d'écriture, comme si le lecteur se retrouvait devant le bureau de l'auteur et avait accès à toutes ses sources, références et inspirations ?

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